Paul Mouginot
Exposition du jeudi 11 février au vendredi 18 mars
Paul Mouginot offre une fraîcheur et un regard neuf sur les choses qui l'entourent, dans un accrochage de photos bordées par deux sages, statues gardiennes de cette exposition. Paul apparaît ici comme un poète plasticien, qui donne à voir dans son travail les dimensions poétiques et sensorielles de la mémoire, où il met en exergue, un souvenir, son investigation des choses, des lieux.
Pour MEMORIES / NEXT LEVEL, Paul Mouginot expose ses pièces avec parcimonie et précision : 6 photos, 2 sculptures, une installation. Paul a un processus singulier : il observe son sujet, s’avance dans la contemplation du souvenir, le décortique, l’extrait, et la restitue couche par couche. Grands ensembles ou détails, acérés ou flous, ces éléments aux codes couleurs et textuels distincts sont la quintessence, le sensible. Il ne cesse de se rapprocher au plus près de son sujet : il le cadre, il le choisit, il le construit, il le met en scène, il superpose couleurs et matières. Le choix du papier, l’encadrement, achèvent d’enchâsser ces reliques.
Photographies BLEU La mer, le bleu du ciel, le contre ciel, le flou, le vent. On contemple le calme plat, le vertige, le vide, l’au-delà de la ligne de l’horizon. Cette image fait référence à 3 photos de sa série précédente RENÉ (2013) : premier souvenir de la mer, souvenir de montagne et dégradés de bleu- et cauchemar récurrent de l’enfance. Tout est net dans cette photo, excepté la transition floue entre les teintes ; Paul se fait référence au travail pictural de Rothko.
JAUNE En photographiant la surface dorée à l’or fin de sa lampe JERICHOR, exposée à la FIAC en 2015, Paul tente d’assurer une forme de pérennité de son œuvre. La photographie devient alors une « capsule temporelle », une assurance supplémentaire contre l’oubli inéluctable.
VERT Paul raconte qu’enfant, il se coupait souvent avec des brins d’herbe ; ici il explore la surimpression de quatre photographies prises dans les champs de Giverny, lui permettant de retrouver et reconstituer ce souvenir attendantrissant. Les brins d’herbe superposés dessinent des obliques qui semblent brouiller la vision. Les formes géométriques très marquées qui quadrillent la première couche photographique sont alors perturbées et la lecture du paysage en devient altérée, laissant place à une plus libre interprétation.
ROUGE De loin, le cliché esquisse deux formes parfaitement imbriquées et clairement démarquées par une teinte de rouge plus ou moins intense. Il faut se rapprocher pour apercevoir les imperfections, tâches ou fissures, qui viennent animer cette apparente limpidité. Le rose, les roses, la guimauve, le papier crépon des boites acidulées… NOIRE Photographie floue d'une photographie d'un petit lion en bronze, qui appartenait à son grand père : le souvenir s'éloigne, les formes s'estompent, mais l'idée générale demeure.
BLANC Le cerveau, siège de la mémoire, peut être localisation de la solution ou des promesses du futur.
Sculptures et installations Pour Paul, puiser dans les souvenirs ne saurait être une fin en soi. Pour lui, la photographie est un prétexte, un moyen d'être un caméléon, de rentrer partout, de voir et d'absorber ce qui l'entoure, pour nourrir sa propre quête existentielle et se siffler à un état supérieur de conscience.
BAGAGES DE VIE Deux statues en béton armé, sur deux socles en plexiglas, reliées par une chaînette dorée évoquent le dépassement de soi, le passage du personnel au général, la projection de la vie privée à la vie publique, la sortie du corps.
TIME RIBBON Un ruban en papier sur lequel il écrit « chaque jour, chaque nuit, chaque jour… », comme une litanie lancinante, qui matérialise le temps douloureux, mais aussi les secondes qui soignent, la lutte obstinée contre l'effacement. Ce ruban relie les deux photos NOIR et BLANC disposées face à face. Reliées par le temps, elles semblent ne cesser de s'éloigner l'une de l'autre, jusqu'à l'éclatement, dans un espace blanc qui évoque un saint des saints.
GÉRALDINE POSTEL